CONCERTGEBOUW D’AMSTERDAM (ORCHESTRE DU)

CONCERTGEBOUW D’AMSTERDAM (ORCHESTRE DU)

CONCERTGEBOUW D’AMSTERDAM ORCHESTRE DU

Comme l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, ceux du Gürzenich de Cologne ou de la Tonhalle de Zurich, celui du Concertgebouw d’Amsterdam est l’un des rares orchestres à avoir adopté le nom de sa propre salle de concert, construite par l’architecte A. L. van Gendt entre 1883 et 1888. L’orchestre y donne son premier concert le 3 novembre 1888. La salle est dotée d’une acoustique légendaire et a fait l’objet d’importants travaux de restauration au milieu des années 1980, notamment pour renforcer les pilotis de fondation qui menaçaient de s’effondrer.

L’Orchestre du Concertgebouw est un modèle de stabilité dans ses rapports avec ses directeurs musicaux: quatre chefs d’orchestre permanents en un siècle, le cinquième ayant été nommé à la veille du centenaire! Cette continuité est l’une des conditions essentielles de l’établissement et du maintien d’une tradition. Il faut y ajouter le renouvellement des instrumentistes, qui s’opère progressivement et souvent de maître à élève.

Willem Kes a occupé le plus cours mandat (1888-1895), mais on lui doit d’avoir imposé les normes du concert moderne, interdisant au public de parler ou de fumer pendant l’exécution des œuvres, luttant contre son absence de ponctualité et faisant disparaître les tables autour desquelles il s’installait. Il est remplacé par la figure dominante de cet orchestre, Willem Mengelberg, qui reste à sa tête pendant un demi-siècle (1895-1945). Pédagogue très exigeant, il a construit son orchestre avec patience autour du répertoire romantique et post-romantique: il sera le champion de la musique de Gustav Mahler (avec lequel il était intimement lié et à qui il dédia un cycle en 1920) et se verra dédier Une vie de héros de Richard Strauss. Il commençait généralement ses répétitions par de longs discours destinés à sensibiliser les musiciens à l’univers de la musique qu’ils allaient jouer et se montrait terriblement autoritaire dans ses rapports avec eux. Mais au concert, il faisait preuve de la plus grande liberté, se laissant aller à des débordements d’enthousiasme que l’orchestre parvenait toujours à suivre, signe de sa grande souplesse et de sa faculté d’adaptation. Mengelberg est à l’origine d’une tradition reprise aujourd’hui par Nikolaus Harnoncourt: l’exécution de l’une des passions de Bach le dimanche des Rameaux.

En 1918, l’État s’associe au financement de l’orchestre. Entre les deux guerres, le répertoire s’élargit à la musique moderne: Paul Hindemith crée au Concertgebouw son propre Concerto pour alto (1935); on y donne également en première audition son Concerto pour violon (1940), le Concerto pour violon n^o 2 de Béla Bartók (avec Zoltán Székely, 1939) ainsi que des œuvres de Darius Milhaud, Zoltán Kodály et de nombreux compositeurs néerlandais, notamment Julius Röntgen, Bernard Zweers, Cornelis Dopper (l’assistant de Mengelberg entre 1908 et 1928) et le jeune Henk Badings (Symphonie n^o 1 , 1930; Symphonie n^o 2 , 1932; Symphonie n^o 3 , 1935). Les chefs associés sont Karl Muck (1921-1925), Pierre Monteux (1925-1934) et Bruno Walter (1934-1939).

Pendant l’Occupation, Mengelberg se compromet avec l’occupant; il est déchu de ses fonctions et condamné à l’exil en Suisse en 1945. Eduard van Beinum, qui avait été l’assistant de Mengelberg dès 1931 avant de devenir chef associé après le départ de Bruno Walter, assure la succession (1945-1959). Il apporte une vision plus moderne des rapports au sein de l’orchestre, une plus grande rigueur d’interprétation et élargit le répertoire, notamment à la musique française, tout en maintenant la tradition romantique. L’orchestre crée des œuvres de Henk Badings (Symphonie n^o 5 , pour le soixantième anniversaire du Concertgebouw, 1948), Benjamin Britten (Spring Symphony , 1949), Willem Pijper, Matthijs Vermeulen, Hendrik Andriessen... Les chefs invités sont plus nombreux et moins réguliers, à l’exception de Paul van Kempen (qui avait été violoniste dans les rangs du Concertgebouw sous Mengelberg), Erich Kleiber et George Szell (nommé premier chef invité en 1958).

La mort subite de van Beinum (pendant une répétition) laisse un vide difficile à combler. Après deux ans sans directeur musical, Bernard Haitink et Eugen Jochum assurent conjointement la direction, à partir de 1961. La jeunesse du premier, citoyen néerlandais, trouvait une compensation logique dans l’expérience de son aîné, l’un des chefs favoris de l’orchestre, appelé pour maintenir la tradition romantique germanique. Jochum se retire en 1964 et Haitink assure seul la direction jusqu’en 1988 avec Kyrill Kondrachine à ses côtés comme premier chef entre 1979 et 1981. Le répertoire s’élargit considérablement tant dans le domaine de la musique nouvelle (créations de Luciano Berio, Witold Lutos face="EU Caron" ゥawski ou Alfred Schnittke) que dans le domaine de la musique baroque et classique (enregistrement d’œuvres de Bach, Haydn et Mozart sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, premier exemple d’interprétation "à l’ancienne" avec un orchestre symphonique traditionnel). En 1988, Riccardo Chailly succède à Haitink. Premier chef étranger appelé à la tête du Concertgebouw, il hérite d’un patrimoine prestigieux et de l’un des orchestres les plus sensibles et aux couleurs les plus généreuses existant alors. L’arrivée d’un chef aussi jeune (il a trente-cinq ans) dynamise l’orchestre, qui fête son centenaire en créant des œuvres de Berio (Rendering , 1989), de Ton De Leeuw, de Arne Nordheim (Magam , 1988), de Schnittke (Concerto grosso n^o 4 , Symphonie n^o 5 , 1988), etc., commandées pour la circonstance. La reine des Pays-Bas lui confère le nom de Royal Concertgebouworkest.

Encyclopédie Universelle. 2012.